Les établissements bancaires opérant à Madagascar ne cachent pas leurs inquiétudes quant aux effets de la disposition fiscale imposant une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 20 % sur les intérêts des crédits bancaires. Selon une enquête menée par la Banky Foiben’i Madagasikara (BFM) auprès des institutions financières de la place, 91,7 % des banques estiment que la fiscalité représente désormais le principal frein au développement du crédit dans le pays.
Ce signal d’alarme intervient dans un contexte économique déjà tendu, marqué par conjoncture politique complexe, un climat des affaires fragilisé et une trésorerie difficile pour de nombreuses entreprises. Les banques s’inquiètent des répercussions directes de cette mesure sur leurs clients. « L’application de la TVA sur les intérêts des crédits bancaires pénalise les clients en difficulté de trésorerie et risque d’accroître le portefeuille à risque des banques », souligne la Banque centrale en relayant les inquiétudes du secteur. Les établissements financiers appellent ainsi à une révision urgente des conditions d’application de cette mesure, jugée contraire aux objectifs de relance économique.
Inscrite dans la loi de finances en vigueur, cette disposition fiscale vise les intérêts des prêts accordés aux entreprises. Pour ses détracteurs, il s’agit d’une taxe supplémentaire qui réduit la capacité d’investissement du secteur privé et complique davantage l’accès au crédit. En période de ralentissement économique, l’introduction d’une telle mesure est perçue comme un risque pour la stabilité du système financier. En effet, une hausse du coût du crédit pourrait dissuader les entreprises d’emprunter, entraînant une contraction de l’activité productive et, à terme, un impact négatif sur la croissance.
Pourtant, les données récentes de la Banque centrale montrent que, malgré ces contraintes, le volume de crédit à l’économie a continué de croître. À la fin du deuxième trimestre 2025, l’encours des créances sur l’économie a progressé de 4,7 % par rapport au trimestre précédent. Selon certains analystes, cette tendance positive traduit la résilience du secteur bancaire, qui continue de soutenir les besoins de financement des ménages et des entreprises, même dans un environnement fiscal et macroéconomique incertain. Mais ces mêmes analystes estiment que la tendance pourrait s'inverser dans les prochains mois du fait notamment de l’application de la TVA sur les intérêts des crédits bancaires.
A savoir que les crédits à court terme (CT) ont représenté 50,2 % de l’ensemble des créances sur l’économie à fin juin 2025, dont 45,2 % sous forme de découverts. Les crédits à moyen et long terme (MLT) ont, quant à eux, constitué 49,6 %, tandis que les autres concours bancaires n’ont représenté que 0,3 %. Ces chiffres illustrent la prudence des banques, qui privilégient les prêts à durée plus courte pour limiter les risques dans un climat d’incertitude. Face à cette situation, les professionnels du secteur insistent sur la nécessité d’un dialogue entre les autorités et les acteurs financiers. L’objectif serait de concilier impératifs budgétaires et soutien à l’investissement productif. Car si la TVA sur les intérêts peut contribuer à accroître les recettes fiscales de l’État, elle risque de freiner significativement la reprise du crédit, un moteur essentiel de la croissance.
Ainsi, l’avertissement lancé par les banques malgaches apparaît comme un appel à la raison : dans un pays où l’accès au financement reste déjà limité, alourdir la fiscalité du crédit risque de compromettre les efforts de redynamisation économique et de fragiliser un secteur bancaire jusque-là résilient. Notons, par ailleurs, que les banques commerciales ont prévu de renforcer l’accompagnement financier des sociétés de la Zone franche industrielle (ZFI) au troisième trimestre de cette année. Et ce, en leur octroyant plus de crédits pour faire face à l’augmentation des droits de douane appliqués dans le cadre des échanges avec les Etats-Unis, qui devrait avoir un impact sur les exportations malgaches à destination de ce marché.