La nomination de Herintsalama Rajaonarivelo au poste de Premier ministre, annoncée hier en fin d’après-midi au palais d’Iavoloha, devrait marquer un tournant de taille dans la vie politique malgache. Cette décision intervient une semaine après le changement de régime et trois jours après la prestation de serment du président Michaël Randrianirina. Mais le nouveau locataire de Mahazoarivo doit rapidement faire ses preuves car l'attente de la population est grande et sa nomination n'a pas fait que des heureux.
La désignation du nouveau chef du gouvernement met fin à plusieurs jours de spéculations intenses dans les milieux politiques et surtout sur les réseaux sociaux. Plusieurs noms ont circulés ces derniers jours : Noro Harimisa Razafindrakoto, ancienne ministre de la Justice ; Laza Razafiarison, politicien et candidat malheureux à la présidentielle de 2013 ; Raymond Ranjeva, juriste international, Zaza Ramandimbiarison, vice-Premier ministre du gouvernement de Jacques Sylla sous le régime de Marc Ravalomanana ; José Andrianoelison, ancien ministre de Didier Ratsiraka... Le président a finalement tranché pour un profil issu du monde économique. Selon le Cercle de Réflexions des Économistes de Madagascar (Crem), le choix est en cohérence avec les priorités du moment : redressement financier, création d’emplois et restauration de la confiance dans les institutions.
Bien qu'assez discret, Herintsalama Rajaonarivelo n’est pas un inconnu. Figure du secteur privé, il a longtemps œuvré au sein de plusieurs organisations patronales, notamment la Fivmpama (Association des entrepreneurs malgaches), le Groupement des entreprises malgaches FOM, et l’International Trade Board of Madagascar. Il siège également à la Chambre de commerce et d’industrie d’Antananarivo. Président du conseil d'administration de la banque BNI Madagasikara et consultant en économie et en gestion, ses partisans soutiennent qu'il possède une solide expérience dans le dialogue public-privé et une connaissance approfondie des mécanismes de financement internationaux. On met aussi en avant sa maîtrise des arcanes de la finance et sa connaissance des attentes des bailleurs de fonds. Des qualités qui, aux yeux des députés issus de la nouvelle majorité, devraient jouer un rôle crucial pour donner de la vigueur à l’économie malgache et convaincre les partenaires techniques et financiers de poursuivre leur coopération avec la Grande Ile. Mais côté de la société civile, on dénonce un processus de désignation sans véritable consultation...
Une mission sous haute pression
Le nouveau Premier ministre hérite d’un pays en tension sociale. Le président Randrianirina a déjà fixé les priorités : améliorer l’accès à l’eau potable, résoudre les coupures d’électricité chroniques, assainir le climat des affaires et acter le changement du système de gouvernance. Ces objectifs nécessiteront une action rapide et concertée, alors que la pauvreté touche plus des trois quarts de la population. Herintsalama Rajaonarivelo succède à Ruphin Zafisambo, dont le passage à Mahazoarivo aura duré à peine 14 jours. Ce dernier, nommé le 6 octobre par le président déchu Andry Rajoelina, devait gérer la crise politique déclenchée par le mouvement de la jeunesse, avant d’être balayé par la vague de changement qui a conduit à la chute du régime.
"Les défis qui attendent le nouveau locataire de Mahazoarivo sont immenses. Outre la relance économique, il devra s’atteler à rétablir la confiance des citoyens, notamment en traitant les grands dossiers de corruption ayant éclaboussé les précédents gouvernements. La jeunesse, moteur de la contestation, attend des signes forts d’un État plus juste et plus transparent", commente Harinaina, une jeune étudiante qui a manifesté avec le mouvement Gen Z. Kevin Andry, entrepreneur dans les TIC, estime pour sa part qu'en nommant un Premier ministre issu du monde économique, le président Michaël Randrianirina veut montrer que l’heure est à la reconstruction et à la compétence. Mais pour Herintsalama Rajaonarivelo, la réussite dépendra aussi et surtout de sa capacité à conjuguer réformes structurelles, dialogue social et rigueur morale, dans un pays où tout est désormais urgent. Il doit aussi s'expliquer sur ses liens supposés avec le businessman controversé et aujourd'hui en exil, Mamy Ravatomanga, qui enflamment la toile depuis sa nomination.




 
 
 
 
 
 
 
 
