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REFORMES | Le point de vue de Jaona Ravaloson

Madagascar est dans une situation économique et politique délicate. Mais les autorités ont souligné leur volonté de mener des réformes de taille afin de concrétiser la refondation du pays, conformément aux revendications de la population. Dans une interview accordée à l'agence Ecofin, Jaona Ravaloson, ancien ambassadeur et aujourd'hui patron de la société Arborescence Capital, donne son avis sur la question cruciale des réformes à engager ainsi que les perspectives de la coopération avec les partenaires techniques et financiers.


Madagascar est dans une situation économique et politique délicate. Mais les autorités ont souligné leur volonté de mener des réformes de taille afin de concrétiser la refondation du pays, conformément aux revendications de la population. Dans une interview accordée à l'agence Ecofin, Jaona Ravaloson, ancien ambassadeur et aujourd'hui patron de la société Arborescence Capital, donne son avis sur la question cruciale des réformes à engager ainsi que les perspectives de la coopération avec les partenaires techniques et financiers.


Madagascar avait amorcé ces dernières années une série de réformes avec l'appui des institutions financières internationales. Et dernièrement, le Fonds monétaire international (FMI) a validé un décaissement de 107 millions de dollars au profit du pays. Mais la crise politique, qui a provoqué le changement de régime, a rappelé les limites structurelles de gouvernance, et envoyé un signal complexe aux bailleurs de fonds et aux investisseurs étrangers. Pour Jaona Ravaloson, il est essentiel dans ce contexte de lire entre les lignes du langage diplomatique de ces institutions pour comprendre les véritables enjeux.


Selon Ravaloson, les organisations internationales (FMI, Banque mondiale, Union européenne...) communiquent toujours avec prudence. « Elles ne critiquent jamais frontalement les dirigeants », explique-t-il. C’est, dit-il, la logique du « pilote dans l’avion » : quelles que soient les qualités du dirigeant, ces institutions sont appelées à coopérer. Les déclarations publiques sur une « voie positive » ou un « cadre de réformes encourageant » doivent donc être interprétées avec nuance. Le véritable indicateur à surveiller, rappelle-t-il, n’est pas le ton diplomatique mais la capacité d’absorption des fonds. Et sur ce point, Madagascar affiche une faiblesse chronique. Une grande partie des financements destinés au développement ne parvient pas à être utilisée efficacement, faute d’une administration performante, de procédures fluides… et d’une gouvernance intègre. Il estime même qu’un pays mieux gouverné aurait pu mobiliser « cinq à dix fois plus » que les montants perçus. Avec une population de plus de 30 millions d’habitants, dont 80 % vivent dans la pauvreté, les quelque 100 millions de dollars en cours de décaissement constituent « le strict minimum » pour éviter un effondrement social total.



La nécessité d'une feuille de route claire


Ce manque de crédibilité institutionnelle bride également les investissements privés. Jaona Ravaloson qui confie qu'il accompagne régulièrement des investisseurs hésitants : corruption, instabilité administrative et manque de transparence sont autant d’obstacles qui les dissuadent de s’engager durablement dans le pays. Pourtant, la transition en cours pourrait, selon lui, ouvrir une fenêtre d’opportunité si elle parvient réellement à « assainir la gouvernance » et à mettre fin aux pratiques prédatrices. Un État crédible et déterminé à lutter contre la corruption rassurerait immédiatement bailleurs et entreprises. Et l'ancien ambassadeur de souligner que la situation actuelle doit être analysée avec nuance, car elle traduit avant tout un mouvement social et générationnel profond, notamment porté par la génération Z.


Interrogé sur les priorités économiques du futur gouvernement de transition, il insiste sur la nécessité de répondre aux causes structurelles du mécontentement populaire. La crise de l’électricité illustre parfaitement cette réalité : ce n’est pas une panne ponctuelle, mais un déficit d’infrastructures devenu critique après des années de retard accumulé. Les projets de barrages, qui auraient dû garantir un approvisionnement stable, sont restés bloqués. À court terme, le recours à des groupes électrogènes fonctionnant au fioul pourrait être une solution transitoire, mais coûteuse et polluante. Le risque est donc élevé : les attentes de la population sont immenses, mais les réponses durables nécessiteront du temps. Un autre sujet de préoccupation est l’absence de représentants de la génération Z au sein du gouvernement de transition. Cette marginalisation pourrait créer un sentiment d’exclusion et alimenter de nouvelles frustrations.


Dans ce contexte, Ravaloson appelle le gouvernement à présenter rapidement une feuille de route claire, assortie d’un calendrier réaliste. Il plaide pour une « pédagogie de la transparence », afin d’expliquer pourquoi certains problèmes – eau, électricité, emploi, éducation – ne peuvent être résolus qu’à moyen terme. Les bailleurs de fonds devront eux aussi adapter leur lecture de la situation et reconnaître que les dynamiques actuelles diffèrent de celles du régime précédent. Si le gouvernement de transition se montre crédible, éthique et engagé, il pourra bénéficier d’un soutien renouvelé et amorcer enfin un cycle vertueux de confiance et d’investissements.


A titre de conclusion, Jaona Ravaloson soutient que "si la gouvernance devient plus rigoureuse et plus éthique, le pays a la capacité de se développer durablement. Pas en autarcie, mais en s’appuyant sur des partenariats internationaux, car il existe beaucoup de ressources extérieures à mobiliser. Et ces ressources, le monde est prêt à les engager dès lors que la confiance est là. L’enjeu principal, c’est la jeunesse. Elle doit pouvoir s’insérer dans un dispositif économique qui fonctionne, que ce soit à travers l’entrepreneuriat ou des emplois durables. Et cette problématique dépasse Madagascar. Elle concerne toute l’Afrique".