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LIMITES DU SYSTEME FISCAL | Le point de vue de Tantely Rahoeliarivahy

Depuis plus de vingt ans, Tantely Rahoeliarivahy, Expert-Comptable accompagnant les entreprises à Madagascar, observe avec une préoccupation croissante les limites structurelles du système fiscal actuel.


Depuis plus de vingt ans, Tantely Rahoeliarivahy, Expert-Comptable accompagnant les entreprises à Madagascar, observe avec une préoccupation croissante les limites structurelles du système fiscal actuel. Elle constate notamment que malgré les efforts engagés par l’administration, l’assiette fiscale demeure dangereusement étroite et repose toujours sur une minorité d’entreprises formelles. 


Pour cette Expert-Comptable, cette situation n’est pas seulement injuste pour les contribuables concernés, elle est aussi contre-productive pour le développement économique du pays. Aujourd’hui, entre  5 et 10 % des entreprises supportent l’essentiel de la charge fiscale nationale. Ces acteurs, souvent les mêmes, font l’objet de contrôles fréquents, parfois redondants, et subissent une pression administrative et financière difficilement soutenable. Dans le même temps, une part considérable de l’économie échappe au système fiscal : près de 88 % de l’activité économique reste informelle, selon les données de l’INSTAT, représentant plus de 40 % du PIB. Cette dualité fragilise les finances publiques, fausse la concurrence et décourage l’investissement.


Les chiffres sont en efet éloquents. Moins de 5 % des entreprises sont réellement formelles et fiscalement actives. Près de 75 % des recettes fiscales proviennent de moins de 10 % des entreprises, tandis que la pression fiscale nationale stagne autour de 10 % du PIB, bien en deçà du seuil de 17 % recommandé par l’Union Africaine. Dans ce contexte, plus de 60 % des PME estiment que la fiscalité constitue un frein majeur à leur croissance. Ces indicateurs traduisent un système déséquilibré, qui taxe excessivement ceux qui jouent le jeu, tout en laissant prospérer une économie informelle de plus en plus dominante.



Une fiscalité qui décourage au lieu de développer


Au lieu d’être un outil d’incitation et de structuration, la fiscalité est perçue par de nombreux entrepreneurs comme une menace permanente. Les entreprises font régulièrement face à des redressements fiscaux jugés excessifs, parfois déconnectés de leur réalité économique. Les contrôles fiscaux ciblent presque systématiquement les mêmes contribuables, renforçant un sentiment d’injustice et d’acharnement. Cette pression constante favorise également des dérives préoccupantes. La complexité des procédures, combinée à la crainte des sanctions, alimente des pratiques de corruption et affaiblit la relation de confiance entre l’administration et les opérateurs économiques. Pour certaines entreprises, notamment les PME, ces contraintes peuvent conduire à la fragilisation, voire à la fermeture pure et simple. Ainsi, au lieu de stimuler la croissance et l’élargissement de l’assiette fiscale, le système actuel contribue à la destruction de valeur et à la méfiance généralisée.



Selon Tantely Rahoeliarivahy,  des solutions existent. Les Centres de Gestion Agréés (CGA), agréés par la Direction Générale des Impôts, ont été conçus pour accompagner les entreprises dans leur formalisation, assurer une comptabilité fiable et renforcer la conformité fiscale.


Pourtant, selon Tantely Rahoeliarivahy,  des solutions existent. Les Centres de Gestion Agréés (CGA), agréés par la Direction Générale des Impôts, ont été conçus pour accompagner les entreprises dans leur formalisation, assurer une comptabilité fiable et renforcer la conformité fiscale. Gérés par des experts-comptables membres de l’OECFM, ces centres constituent un pont essentiel entre l’administration fiscale et le secteur privé, en particulier les PME et les entrepreneurs issus de l’informel. Mais ces structures restent insuffisamment soutenues et sont parfois perçues, à tort, comme des concurrentes par certaines administrations. Cette vision est contre-productive. Les CGA devraient au contraire être reconnus comme des partenaires stratégiques de l’État dans l’élargissement progressif de l’assiette fiscale, la sécurisation des recettes et la promotion d’une concurrence loyale.


Réforme fiscale pragmatique


Et l'Expert-Comptable de soutenir que restaurer la confiance entre l’État et les contribuables nécessite une réforme fiscale pragmatique, équilibrée et résolument orientée vers le développement économique. Une telle réforme doit reposer sur plusieurs piliers essentiels. D’abord, l’élargissement de l’assiette fiscale par la formalisation progressive du secteur informel, avec l’appui structuré des CGA. Ensuite, la suppression du harcèlement fiscal par la mise en place de contrôles fondés sur une véritable analyse des risques, ciblant les anomalies réelles plutôt que les contribuables les plus visibles. Elle souligne également la nécessité de créer une fiscalité adaptée au profil des entrepreneurs, proportionnée à la taille et à la capacité réelle des entreprises. 



Tantely Rahoeliarivahy estime que la fiscalité ne doit plus être perçue comme un instrument de contrainte, mais comme un levier stratégique de développement économique durable



La poursuite de la digitalisation et de la simplification des procédures fiscales – à travers des outils comme e-Hetra et les paiements en ligne – doit aussi être généralisée à l’ensemble des centres fiscaux dans toutes les régions. Enfin, elle considère que la formation continue des inspecteurs fiscaux et des contribuables, ainsi que la mise en place d’une plateforme de dialogue permanent, sont essentielles pour instaurer une culture fiscale fondée sur la pédagogie, la transparence et la confiance mutuelle. En somme, Tantely Rahoeliarivahy estime que la fiscalité ne doit plus être perçue comme un instrument de contrainte, mais comme un levier stratégique de développement économique durable. "En rééquilibrant la charge fiscale, en intégrant progressivement l’économie informelle et en valorisant les acteurs de l’accompagnement comme les CGA, Madagascar peut bâtir un système fiscal plus juste, plus efficace et plus favorable à la croissance".