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Impact du Covid-19 | La Banque mondiale craint le pire



La pandémie de Covid-19 (coronavirus) plonge l’Afrique subsaharienne dans sa première récession depuis 25 ans, avec des prévisions qui tablent sur un recul de la croissance à -5,1% en 2020, contre 2,4 % en 2019, selon la dernière édition d’Africa’s Pulse, le rapport semestriel de la Banque mondiale consacré à la conjoncture économique africaine. Et selon les dernières prévisions du ministère malgache en charge de l’Economie, la Grande Ile va aussi être impactée fortement par la pandémie sur le plan social et économique. Le taux de croissance économique pour 2020 est révisé à 1,5%, contre une prévision initiale de 5,5%.

« En raison de la détérioration des situations budgétaires et de l’alourdissement de la dette publique, les gouvernements de la région ne disposent que d’une marge de manœuvre réduite pour mettre en place des politiques budgétaires adaptées à la pandémie de Covid-19 », indique Albert Zeufack, économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique. « L’Afrique ne pourra pas, sans aide, contenir la maladie et en atténuer les effets ; un allégement temporaire de dette doit intervenir rapidement pour combattre la pandémie sans déstabiliser les équilibres macroéconomiques de la région. »

En 2018, les pays d’Afrique subsaharienne ont remboursé 35,8 milliards de dollars au titre du service de la dette (2,1 % du PIB régional), dont 9,4 milliards à des créanciers bilatéraux publics (environ 0,7 % du PIB régional). Pour une région qui devra probablement mobiliser jusqu’à 100 milliards de dollars (dont une exonération des intérêts de la dette estimée à 44 milliards de dollars en 2020), les auteurs du rapport soulignent l’intérêt d’un tel moratoire, qui permettra d’injecter immédiatement des liquidités et d’améliorer la marge de manœuvre budgétaire des gouvernements africains.

Pertes de production


Le rapport estime que, en raison de la pandémie, les pertes de production dans la région pourraient se chiffrer entre 37 et 79 milliards de dollars en 2020. Les conséquences sur le bien-être des ménages devraient être tout aussi dévastatrices, avec des pertes estimées en 2020 (selon une hypothèse optimiste) à 7 % par rapport à un scénario sans Covid-19.

En provoquant une contraction de la production agricole estimée entre 2,6 et 7 % (dans le cas d’un blocage des échanges), la pandémie pourrait également déstabiliser la sécurité alimentaire dans la région. Les importations de produits vivriers pourraient elles aussi fortement reculer (de 13 à 25 %), plombées par des coûts de transaction plus élevés et une demande intérieure en baisse.

Ces effets sont la résultante d’une combinaison de facteurs, parmi lesquels la désorganisation des échanges et des chaînes de valeur, qui pénalise les exportateurs de produits de base et les pays fortement intégrés dans les filières mondiales, et la réduction des flux financiers étrangers, avec une baisse des investissements directs étrangers, de l’aide extérieure, des transferts de fonds des migrants et des recettes touristiques mais aussi la fuite des capitaux. Ces perturbations sont également liées aux mesures de confinement imposées par les gouvernements et à la réaction de la population.

Une politique budgétaire à revoir


Mais certains handicaps propres à la région, dont Madagascar — en particulier un accès limité à l’eau et à l’assainissement, la surpopulation urbaine, la faiblesse des systèmes de santé et l’importance de l’économie informelle — accentuent encore les risques sanitaires. Pénalisées par l’érosion de leurs recettes, à laquelle viennent s’ajouter un endettement de moins en moins viable et l’alourdissement du coût des emprunts extérieurs, les autorités régionales manquent par ailleurs de leviers d’action.

« À court terme, la politique budgétaire doit réorienter les dépenses publiques vers les systèmes de santé afin de protéger et d’équiper un personnel déjà en sous-effectifs et d’assurer une prise en charge efficace, et à un prix abordable, des personnes touchées par la pandémie de Covid-19 », souligne Cesar Calderon, économiste principal à la Banque mondiale et auteur principal du rapport. « Mais, dans les circonstances actuelles, il faut aussi tenir compte du fait que la plupart des travailleurs de la région opèrent dans le secteur informel, sans bénéficier de protection comme une assurance maladie, une assurance chômage ou des congés payés. Ces personnes ont en général besoin de travailler tous les jours pour gagner leur vie et couvrir les besoins essentiels de leur famille. Un confinement prolongé risque de menacer leurs moyens de survie. »

Les pays d’Afrique doivent de toute urgence opter pour une stratégie de court terme sur mesure, intégrant les caractéristiques structurelles des économies de la région : l’importance du secteur informel, qui représente 89 % de l’emploi total ; le caractère précaire de la plupart des emplois ; la prédominance des petites et moyennes entreprises, qui constituent 90 % du tissu économique et sont les principaux moteurs de la croissance dans la région ; et l’inefficacité des programmes de relance monétaire compte tenu de l’érosion du nombre d’actifs et de la fermeture des entreprises et, dans la période de redressement, d’un mécanisme de transmission monétaire peu opérant dans un contexte de marchés financiers encore embryonnaires.

Focus sur les urgences

Le rapport préconise une approche axée autour de deux grands objectifs : sauver des vies et protéger les moyens de subsistance. Dans l’immédiat, les gouvernements doivent :

  • privilégier le renforcement des systèmes de santé : alors que le financement du secteur de la santé en Afrique subsaharienne constitue toujours un problème majeur, faute de moyens suffisants, il est indispensable aujourd’hui de protéger et équiper correctement le personnel soignant ;
  • déployer des programmes de protection sociale, notamment pour les travailleurs du secteur informel : il faut pour cela organiser des transferts monétaires et en nature (distribution d’aliments), accorder des aides sociales aux personnes handicapées et âgées, subventionner les salaires pour éviter des licenciements massifs et suspendre les redevances pour les services essentiels (électricité et transactions électroniques) ;
  • minimiser les perturbations dans les pays et dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire intra-africaines vitales et maintenir les couloirs logistiques pour éviter la survenue d’une crise alimentaire dans la région.

Le rapport invite également les responsables politiques africains à réfléchir à leur stratégie de sortie de la pandémie de Covid-19. « Une fois les mesures de confinement et d’atténuation levées, les politiques économiques devront privilégier les moyens de renforcer la résilience », soulignent les auteurs. « Les pays doivent encore concevoir des stratégies leur permettant d’installer une croissance durable, de diversifier leur économie et de promouvoir l’inclusion. »
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