L’embarras est à la hauteur des enjeux, le risque de sanctions pour violation d’embargo international. Le fait est accompli : l’Aviation Civile de Madagascar (ACM)a octroyé des immatriculations provisoires à cinq Boeing 777-200 qui vont finir par rejoindre l’Iran. Les autorités malgaches crient à l’usage de faux et ont fait savoir qu'une enquête internationale a été demandée auprès de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI). Quant à l'opinion, elle demeure dubitative.
Le récit de l’arrivée de 5 Boeing 777-200 immatriculée 5R en Iran n’a rien d’une comédie, mais plus d’un drame. « Madagascar a été dupé », s’insurge le ministre des Transports. Valéry Ramonjavelo affirme que le certificat de navigabilité et le certificat d’immatriculation provisoire délivrés à UDAAN Potential LTD par ACM expirait en avril 2025. « La société UDAAN avait demandé une autorisation d’importation pour 5 appareils radiés de leurs anciens registres ». Les documents utilisés pour le déplacement des aéronefs concernés vers l’Iran en juin ne peuvent être que faux.
Le ministère des Transports porte plainte pour « faux et usage de faux, atteinte à la sureté de l’Etat », ainsi que pour d’autres « infractions connexes liées à l’exploitation d’aéronef ». Le gérant de la PME de l’aviation ainsi que son complice, un ressortissant indien, font l’objet d’un avis de recherche. Comment le ministère et l’ACM ont pu tomber dans le piège présumé ? UDAAN Potential LTD, une petite entreprise créée en 2023, s’est effectivement présentée avec un nom commercial aguicheur. Le dénommé Fly Madagascar prétend avoir des activités dans l’aviation nationale et internationale, le transport aérien...
Le directeur général de l’ACM a rappelé au ministre des Transports que ce dernier a donné l’instruction de délivrer les certificats d’immatriculation provisoire et de navigabilité des 5 aéronefs dans le cadre du traitement du dossier de la société UDAAN. « Cette dernière a été présentée à l’ACM par vos soins et a exprimé son intention de collaborer avec Air Madagascar pour l’exploitation de lignes internationales. Les certificats étaient censés permettre le convoyage des aéronefs vers le Kenya pour « réparation ».
Falsification des dates de documents
La SARL intermédiaire, basée dans le quartier d'Analamahitsy, prétend effectivement assurer des services aériens commerciaux, maintenance – reparation, over-hall (MRO). Cette entreprise aux activités diversifiées n'a pourtant qu'un capital de 2 millions d’ariary (400 euros). A part l’aviation, elle opère aussi dans l’export de produits agricoles, l’agrobusiness, les équipements et engins agricole. « Que le ministère y voit un potentiel partenaire d’Air Madagascar et une compagnie propriétaire de cinq Boeing 777-200 est assez étonnant », commente un ancien pilote de ligne.
La demande d’explication du ministre des Transports au directeur général de l’ACM à propos du déplacement vers l’Iran des cinq aéronefs immatriculés à Madagascar est une formalité, car « toute démarche entamée à ce dossier a fait l’objet d’un compte-rendu systématique ». La thèse de l’absence d’information en temps réel est donc réfutée. Par ailleurs, les autorités malgaches reprochent aux autorités cambodgiennes d’avoir permis les vols vers l’Iran malgré la mention de la falsification des dates de documents suite à la demande de validation formulée par l’Aviation Civile du Cambodge, le 20 juin 2025.
Pour le gouvernement, la menace de sanctions internationales, notamment américaines, est à considérer. « Le malaise diplomatique est inévitable », juge un observateur averti. La réponse de l’administration Trump à cette livraison « involontaire » des Boeing à Téhéran est aussi attendue que crainte. Sur les réseaux sociaux comme dans les salons feutrés de la capitale, l'affaire des Boeing 777 est au centre de toutes les discussions... et de toutes les spéculations. On attend désormais les résultats de l'enquête à venir, si elle aura effectivement lieu. Du côté de la société civile, on exige une totale transparence de la part des responsables.