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CLIMAT DES AFFAIRES | Quand le secteur privé se crispe

L’économie malgache, fragilisée par les chocs liés à la pandémie, à l'inflation, à la crise énergétique, au coût élevé du crédit ou encore  aux aléas climatiques, voit aujourd’hui son secteur privé confronté à un climat des affaires jugé de plus en plus délétère.


L’économie malgache, fragilisée par les chocs liés à la pandémie, à l'inflation, à la crise énergétique, au coût élevé du crédit ou encore  aux aléas climatiques, voit aujourd’hui son secteur privé confronté à un climat des affaires jugé de plus en plus délétère. 


Les opérateurs économiques, moteurs essentiels de la croissance et de la création d’emplois, s'irritent de plus en plus face à une conjonction de facteurs qui freinent le développement de leurs activités : une crise énergétique persistante, un coût du crédit qualifié de prohibitif, des infrastructures en déclin, un marché qui se rétrécit  du fait de la baisse du pouvoir d'achat et une corruption qui gangrène l’ensemble de la société. Autant de maux qui, cumulés, pèsent lourdement sur la compétitivité du pays et découragent les investisseurs locaux comme étrangers. L’un des griefs les plus lourds exprimés par les acteurs privés concerne la crise énergétique, devenue structurelle. Le réseau national d’électricité, déjà vétuste et mis à mal par la mauvaise gouvernance de la Jirama, peine à répondre à une demande en constante augmentation. 


« Nos unités de production continuent de subir des coupures quotidiennes. Cela entraîne des surcoûts importants, car nous sommes contraints depuis des années de recourir à des groupes électrogènes et à des combustibles onéreux », 

se désole un haut cadre d’une société textile de la zone franche de la capitale. Les statistiques officielles confirment cette situation alarmante : le taux d'accès à l’électricité demeure l'un des plus faibles au monde, et la puissance installée reste largement insuffisante pour soutenir un tissu industriel dont la demande énergétique ne cesse de croitre. Les projets d’investissement dans les énergies renouvelables, bien qu’amorcés, tardent à compenser le gap enregistré.


"Cette crise énergétique se traduit par un ralentissement significatif de la production, un renchérissement des coûts et une perte de compétitivité des entreprises malgaches, déjà pénalisées par un environnement régional de plus en plus concurrentiel (Île Maurice, Kenya, Éthiopie...) mieux doté en infrastructures énergétiques fiables", 

constate Rija Rakotoarisoa, économiste et aussi opérateur économique dans le domaine de l'agro-alimentaire. À cette contrainte s’ajoute une autre difficulté majeure : le coût élevé du financement. Le taux d’intérêt moyen appliqué par les banques commerciales avoisine les 15 à 18 %, un niveau largement supérieur à celui observé dans les pays voisins. 


Pour de nombreuses PME, l’accès au crédit bancaire reste donc un mirage. « Avec des taux d’intérêt aussi élevés et des exigences de garanties souvent impossibles à fournir, il devient presque impensable de financer un projet ambitieux ou d’investir dans la modernisation de nos outils de production », déplore une entrepreneure qui se débat depuis 2020 pour mobiliser des ressources pour financer l'extension de son unité de fabrication de meubles. Si les institutions financières invoquent un contexte de risques élevés et un cadre juridique incertain pour justifier ces taux, cette situation alimente un cercle vicieux : faute de financement, les entreprises stagnent, réduisent leurs investissements et peinent à innover. Un contexte encore aggravé par la mesure fiscale mise en place, appliquant une TVA de 20% sur les intérêts des crédits bancaires.


Des infrastructure à réhabiliter en urgence

Dans un pays où le secteur privé représente l’un des principaux leviers de création d’emplois, cette rigidité de l’accès au crédit compromet la relance économique et la capacité du pays à sortir durablement de la pauvreté. Au-delà de l’énergie et du financement, les infrastructures constituent un autre point noir du climat des affaires. Les routes nationales, vitales pour le transport des marchandises, sont dans un état de dégradation avancé. Selon des estimations de la Banque mondiale, plus de 60 % des routes du pays sont impraticables pendant la saison des pluies. Cette situation affecte directement les chaînes d’approvisionnement et le coût du transport, qui représente parfois jusqu’à 30 % du prix final des produits, un poids insoutenable pour les producteurs et les consommateurs.


Face à ce constat, les acteurs privés multiplient les plaidoyers pour des réformes en profondeur. Ils appellent à une politique énergétique cohérente, à une baisse du coût du crédit via des mécanismes de garantie publique, à la réhabilitation urgente des infrastructures et à une lutte implacable contre la corruption.


Les infrastructures portuaires et aéroportuaires ne sont guère en meilleur état. Le port de Toamasina, principal hub commercial du pays, reste saturé et manque d’équipements modernes pour fluidifier les opérations. Les opérateurs économiques espèrent cependant que les travaux d'extension et de modernisation du port vont changer la donne dans les prochaines années. Quant au réseau ferroviaire, il est quasiment inexistant, limitant considérablement les alternatives logistiques. Mais au-delà des défaillances matérielles, c’est la corruption systémique qui constitue, de l’avis des acteurs du secteur privé, le principal frein au développement. Madagascar figure régulièrement parmi les pays les plus corrompus du monde, selon l’Indice de perception de la corruption de Transparency International.


La corruption prend des formes multiples : paiements informels pour accélérer les procédures administratives, pratiques douteuses dans des appels d’offres publics, abus de position dominante de certaines autorités... « Il n’existe presque aucun domaine d’activité où l’on ne soit pas confronté à des demandes illicites. Cela crée une insécurité juridique totale et fait fuir les investisseurs », explique le représentant d’un groupement d’entreprises. Pour les opérateurs étrangers, ces pratiques constituent un signal particulièrement négatif. Elles complexifient l’entrée sur le marché, alourdissent les coûts et augmentent les risques liés aux investissements.


Face à ce constat, les acteurs privés multiplient les plaidoyers pour des réformes en profondeur. Ils appellent à une politique énergétique cohérente, à une baisse du coût du crédit via des mécanismes de garantie publique, à la réhabilitation urgente des infrastructures et à une lutte implacable contre la corruption. « Il en va de l’avenir économique du pays. Sans un environnement des affaires assaini et compétitif, Madagascar restera à la traîne et incapable d’attirer les investissements dont il a tant besoin », alerte un membre du patronat. Ce dernier qui attire aussi l'attention sur les résultats de la dernière enquête de conjoncture de la Banque centrale qui montre que l'indicateur synthétique des activités des entreprises a atteint -5,1 au premier trimestre de 2025.