Madagascar reste un pays essentiellement rural, où plus de 80 % de la population tire ses moyens d’existence de l’agriculture familiale. Pourtant, la productivité peine à progresser significativement et l’insécurité alimentaire persiste, en particulier dans le Grand Sud et le Sud-Est exposés aux aléas climatiques.
L'année dernière, entre septembre et décembre, environ 1,63 million de personnes — soit 15 % des zones analysées — étaient en situation de crise alimentaire (IPC 3+). La pression est retombée par endroits après les récoltes, mais demeure structurelle chez de nombreux ménages vulnérables. Le riz, aliment de base, illustre ce paradoxe. La campagne 2024 a connu une légère amélioration : la FAO estime que la récolte de paddy supérieure à la moyenne a un peu réduit les besoins d’importation. En décembre 2024, le rythme mensuel des importations était environ un tiers plus faible que l’année précédente. Mais cette petite embellie ne gomme ni la dépendance historique aux importations, ni les écarts de rendement entre régions.
Selon les données disponibles, la production de riz blanchi est passée d’environ 3,12 Mt en 2022/23 à 3,28 Mt en 2023/24, avec un rendement moyen proche de 3,2 t/ha — encore très loin du potentiel avec de bonnes pratiques et des systèmes irrigués entretenus. Les pertes post-récolte aggravent la donne. Elles sont estimées à 11 % par an pour le riz — soit plus de 452 000 tonnes, l’équivalent énergétique annuel pour plus d’un million de personnes. D'après les spécialistes, investir dans le battage, le séchage et le stockage hermétique à la ferme pourrait transformer cette “réserve cachée” en disponibilité réelle. Mais jusqu'ici, aucun plan de financement ambitieux dans ce domaine n'a été annoncé.
La malnutrition reflète ces fragilités. En 2024, l’UNICEF rapportait des flambées d’émaciation aiguë dans le Sud-Est : 12,4 % dans l'Atsimo Atsinanana, contre une moyenne nationale de 7,7 %, à cause notamment des difficultés d’accès aux services. Les chocs climatiques sont aussi devenus un frein majeur à la croissance agricole. Pourtant, des leviers existent, éprouvés localement. Le Système de Riziculture Intensive (SRI), né à Madagascar dans les années 1980, permet d’augmenter les rendements tout en économisant l’eau et les intrants quand il est bien accompagné (repiquage de plants très jeunes, espacement, désherbage mécanique). Sa diffusion, couplée à la réhabilitation de périmètres irrigués, reste l’une des voies les plus rapides pour combler l’écart de productivité.
Des politiques récentes misent aussi sur l’offre locale : le gouvernement affirme viser la quasi-autosuffisance en riz à l’horizon 2027 et évoquait 6 millions de tonnes dès 2024, puis 11 Mt à l’horizon 2030. Des objectifs qui, selon un ingénieur agricole et ancien consultant du PNUD, ne seront jamais atteints si l'on ne s'attaque pas de front aux goulots d’étranglement : intrants de qualité en quantité suffisante, services de conseil, pistes rurales, crédit saisonnier, mécanisation légère... "Il faut savoir transformer les bonnes campagnes ponctuelles en progrès durables du secteur agricole vers la sécurité alimentaire. Mais nous sommes encore loin de cette réalité", constate pour sa part Lova Randria, économiste du développement.