L’African Growth and Opportunity Act (AGOA), accord commercial préférentiel permettant à plusieurs pays africains, dont Madagascar, d’exporter vers les États-Unis sans droits de douane, vient d'expirer faute de renouvellement par le Congrès américain. Un coup dur pour les entreprises, notamment celles du secteur textile.
"La raison de cette expiration n’est pas un rejet formel, mais un simple oubli institutionnel", explique un membre du Groupement des Entreprises Franches et Partenaires (GEFP) qui croit aussi savoir que la Maison-Blanche aurait indiqué soutenir une extension d’un an. Pris par les débats houleux sur le budget fédéral et les négociations politiques qui en découlent, la Chambre des représentants et le Sénat n’ont pas toutefois inscrit à leur ordre du jour la question du renouvellement de l’AGOA. Résultat : depuis le 1er octobre, les exportations malgaches sont soumises au régime commun, dit du Most Favored Nation (MFN), c’est-à-dire des droits de douane appliqués de manière standard aux partenaires commerciaux des États-Unis.
Les conséquences s’annoncent immédiates et douloureuses. Les produits des entreprises franches, en particulier ceux issus du textile, secteur clé des exportations malgaches vers les États-Unis, deviennent automatiquement moins compétitifs en raison de la hausse des taxes douanières. Les opérateurs estiment déjà que les pertes potentielles se chiffrent en dizaines de millions de dollars si la situation perdure. Ce manque à gagner risque d’avoir un effet domino sur l’emploi, la balance commerciale et la stabilité macroéconomique du pays.
Toutefois, les entreprises estiment que tout n’est pas perdu. Selon plusieurs sources proches du dossier, un nouveau vote reste possible dans les prochaines semaines. Les parlementaires américains pourraient décider de prolonger l’AGOA avec effet rétroactif. Concrètement, cela signifierait que les droits de douane payés depuis l’expiration de l’accord seraient remboursés aux exportateurs. Mais dans l’attente, les entreprises doivent supporter une pression financière accrue, fragilisant des trésoreries déjà mises à rude épreuve par la conjoncture internationale et les difficultés internes à Madagascar.
Alors que la situation exigerait un lobbying diplomatique fort et une mobilisation de l’État pour défendre les intérêts économiques du pays, Madagascar traverse une crise politique profonde. Le gouvernement, réduit à expédier les affaires courantes, n’a ni la capacité ni la légitimité de s’investir pleinement dans ce dossier crucial. Or, l’histoire récente rappelle que l’exclusion de Madagascar de l’AGOA en 2009, à la suite d’une crise extra-constitutionnelle provoquée par le coup d'Etat, avait plongé le pays dans une récession sévère. Des dizaines de milliers d’emplois avaient alors été perdus dans le secteur textile, mettant en péril la stabilité sociale.
L’urgence est donc double : obtenir une clarification du calendrier législatif américain, et en parallèle, faire en sorte que Madagascar puisse bénéficier dans les meilleurs délais d'un cadre institutionnel stable . Car derrière ce dossier commercial se joue l’avenir d’un pan entier de l’économie malgache, étroitement lié à l’AGOA depuis plus de vingt ans. Raison pour laquelle certaines voix de la société civile appellent les groupements patronaux et sectoriels à s'impliquer davantage afin que le mouvement social en cours dans le pays puisse rapidement aboutir et que la situation revienne à la normale.