Le Comité monétaire de Banky Foiben’i Madagascar (BFM) plus de quatre mois après la publication de la revue semestrielle de la politique monétaire, suit de près l’évolution de la conjoncture économique. Sa stratégie pur faire face aux impacts de la Covid-19 n’a pas changé jusqu’ici.
La BFM a choisi de continuer d’assurer la liquidité sur les marchés monétaire et des changes à travers des mesures telles que la déduction des échéances de crédit rééchelonnées des montants requis de réserves obligatoires à constituer par les banques, le refinancement auprès de BFM avec une maturité pouvant aller jusqu’à 3 ans ainsi que la possibilité d’acceptation par BFM de titres de créance privés en garantie des refinancements des banques, sont déjà en vigueur.
La Banque affirme observer attentivement les impacts de ces mesures sur l’économie, en particulier sur la production et sur l’inflation. Le Comité monétaire a ainsi décidé de maintenir le niveau des instruments de politique monétaire. A titre de rappel, le taux des facilités de dépôt est de 0,90 %, le taux des facilités de prêt marginal est de 5,30 % et le coefficient des réserves obligatoires est de 13,00 %.
Une économie fortement grippée
L’économie de Madagascar a connu une période de croissance qui s'est accélérée au cours des quatre dernières années. Sur cette période 2016-2019, le taux moyen de croissance annuel est de 4,4 %. Cette dynamique de l’activité s’estomperait en 2020. Les premières estimations tablent sur un taux de croissance de 1,2 %, contre 5,5 % initialement prévu. Cette situation est imputable à la récession mondiale et aux effets de la crise sanitaire liée à la pandémie COVID-19. Le secteur tertiaire serait le plus touché par cette crise avec un repli d’activité de l’ordre de 0,5 % en 2020, contre une hausse de 5,2 % selon les prévisions initiales.
Pour le secteur secondaire, la croissance ne serait plus que de 2,2 %, comparée à 7,4 % estimée auparavant. Le secteur primaire enregistrerait une croissance de 3,6 % au lieu de 4,6 %. A fin février 2020, la variation de l’Indice des Prix à la Consommation (IPC) en glissement annuel a été de 3,9 % contre 6,6 % à la même date en 2019. L’inflation est repartie à la hausse avec une variation annuelle de 4,2 % en mars 2020, après un taux de 6,1 % une année auparavant. Après une longue période de décélération, cette reprise de l’inflation est attribuable à la raréfaction d’un certain nombre de produits de première nécessité sur le marché local et à des perturbations au niveau du circuit de distribution après l’apparition de la pandémie COVID-19.
Un ralentissement des activités des entreprises du secteur réel est généralement observé durant le premier trimestre de chaque année. En 2020, les résultats de l’Enquête de conjoncture économique montrent que cette décélération s’est intensifiée à la suite de la crise sanitaire actuelle. On enregistre une baisse significative de l’Indicateur synthétique des Activités des Entreprises (IAE) qui passe de +4,0 % au quatrième trimestre 2019 à -73,6 % au premier trimestre 2020. Cette dégradation s’est notamment fait ressentir au niveau des grandes et des micro-entreprises. La diminution des activités est prévue se maintenir pour le prochain trimestre (perspectives d’un IAE de -70,4 %). Depuis le début de la crise, beaucoup d’entreprises ont été dans l’obligation de ralentir leurs activités et de mettre en congé une partie de leur personnel.
Le « secteur extérieur » également gravement impacté
Le solde global de la balance des paiements continue de se dégrader avec un déficit estimé à 0,5 %
contre 0,2 % du PIB sur la même période de 2019. Le déficit courant de 0,3 % du PIB n’a pas été compensé par le solde positif des opérations en capital et financières. La diminution des exportations de biens et services est essentiellement à l’origine de ce gap. Les transferts courants privés ont également baissé à cause du contexte de crise sanitaire, contrairement à ceux au profit de l’Administration publique. Les produits phares d’exportation ont connu une baisse au niveau des prix. Il en est de même des produits importés touchés eux aussi par les impacts de la pandémie. Les recettes liées aux services de transports et de tourisme ont connu recul respectif de 33,8 % et de 31,4 % sur la période observée.
Parallèlement, les paiements de services ont enregistré la même tendance à la baisse. Les opérations sur les revenus ont été marquées par une augmentation de 26,8 % des paiements au titre des dividendes durant le premier trimestre 2020 par rapport à 2019. L’encours des réserves officielles de changes a représenté 4,2 mois d’importation de Biens et services non-facteurs (BSNF) à fin mars 2020, équivalent à son niveau à fin décembre 2019. Sur le marché des changes, les recettes provenant de la filière vanille ont chuté de 52,1 % au cours des trois premiers mois de 2020 par rapport à la situation de 2019.
Du côté de la demande, les paiements d’importation des biens de consommation sont restés prépondérants et ont connu une hausse de 12,0 % à fin mars 2020. L’Ariary s’est déprécié de 1,9 % par rapport à l’Euro (4 118,9 ariary à fin mars 2020, contre 4 041,8 ariary à fin décembre 2019) et de 3,5 % par rapport au Dollar US (3 755,09 ariary à fin mars, contre 3 627,3 ariary à fin décembre 2019).
Chute de la pression fiscale
La situation des Opérations Globales du Trésor (OGT) s’est aussi dégradée avec un solde déficitaire estimé à 3,0 % du PIB, après un déficit de 2,6 % du PIB sur la même période en 2019. Les effets néfastes de la pandémie COVID-19 sont observés au niveau des OGT, notamment sur les recettes fiscales. Auprès des entreprises, cette crise sanitaire se traduit, entre autres, par des difficultés de trésorerie et des contraintes majeures au niveau du commerce international.
A fin mars 2020, le taux de pression fiscale est estimé à 8,5 %, contre 10,0 % à la même date en 2019, soit une perte de 1,5 point. En termes de dépenses, le taux d’engagement par rapport aux prévisions au premier trimestre 2020 a été relativement faible avec 61,7 %, expliqué par les dépenses en capital. Ces dépenses ont été inférieures à celles réalisées sur la même période en 2019.
Le financement du déficit des finances publiques est couvert par la mobilisation des dépôts de l’Etat auprès de ses correspondants, par l’émission des titres publics et par les apports extérieurs nets suite au déblocage des prêts. Cependant, le système bancaire a été remboursé d’un montant net de 96,5 milliards d'ariary, essentiellement dû au remboursement des avances statutaires de BFM pour 85,4 milliards d'ariary.
Décélération des agrégats monétaires
A l’instar de la base monétaire, l’expansion de la masse monétaire a également connu un ralentissement. Si sa croissance annuelle a atteint 11,5 % à fin 2018, elle a été de 7,1 % à fin décembre 2019. Cette tendance à la décélération des agrégats monétaires en 2019 a continué depuis fin mars 2020. Le glissement annuel de la base monétaire a été de -4,3 % contre +11,4 % un an plus tôt. La masse monétaire, quant à elle, a augmenté de 6,3 % à fin février 2019, contre 12,2 % il y a un an.
Quelles sont donc les perspectives face à cette accumulation de mauvais chiffres ? La BFM a rappelé que les arrêts temporaires et les ralentissements des activités ont toujours infligé de graves récessions économiques. Tels ont été les cas des années 1991, 2002 et 2009. Selon les approches utilisées, le PIB décélérerait à +1,2 % en 2020. L’inflation moyenne serait de 7,2 %. La reprise des exportations et des importations de biens et services serait liée à l’évolution de la pandémie à l’échelle mondiale. La situation des paiements extérieurs de Madagascar reposerait en partie sur les flux de devises résultant des aides et prêts au profit de l’Administration publique. Les nouveaux flux d’investissements directs étrangers ne devraient pas être conséquents en 2020. Il en serait de même pour les transferts privés.
Au niveau des finances publiques, l’Etat table sur un creusement du déficit à hauteur de 5,7 % du PIB à fin 2020. Ce résultat est dû à la crise sanitaire mondiale. Une forte diminution des recettes est attendue, tandis que les dépenses publiques vont augmenter du fait de l’accroissement des transferts et subventions dans le cadre de la lutte contre la pandémie. Le taux de pression fiscale envisagé serait de 8,9 %, contre 10,4 % réalisé en 2019. Les dépenses atteindraient 19,0 % du PIB en 2020, si elles représentaient 15,5 % en 2019. Pour financer partiellement le déficit, BFM a rétrocédé à l’Etat les 166,0 millions de dollars US décaissés dans le cadre de la Facilité de Crédit Rapide et accordés par le FMI.