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[DOSSIER] INTEGRATION REGIONALE | Etat des lieux



Depuis le début des années 2000, les dirigeants successifs ont affirmé leur intention de faire de l’intégration régionale d’un des instruments essentiels de leur politique économique pour redimensionner le tissu productif, ouvrir de nouveaux horizons commerciaux et réduire la pauvreté. Madagascar a ainsi adhéré à trois groupements régionaux qui sont la Commission de l’Océan Indien (COI), le Marché Commun de l’Afrique Australe (Comesa) et la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC).
 
Plusieurs explications ont été données quant au choix d’adhésion de la Grande Ile à ces blocs régionaux comme la proximité géographique entre les pays membres, mais également l’accès à un marché plus large, la possibilité d’exercer une politique et stratégie communes face aux partenaires techniques et financiers. Force est cependant de reconnaitre que les résultats des initiatives d’intégration menées depuis ont surtout démontré que le pays peut encore mieux faire.
 
Les opérateurs économiques nationaux peinent encore à devenir compétitifs au sein de ces communautés et l’économie reste impuissante face à la concurrence des produits des pays de ces groupements régionaux. En termes de volume, les exportations malagasy vers les pays de la région restent marginales. Le marché du Comesa ne représente que près de 3% des exportations totales du pays. Même constat au niveau de la SADC même si cette part est plus importante (6,08%). Même les îles voisines membres de la COI sont toujours considérées comme difficilement accessibles pour les produits Made in Madagascar.
 
Comment le pays peut-il capitaliser l’intégration régionale pour son émergence ? On avance souvent que la diversification des exportations (marge extensive) et la modification de la structure des exportations du pays sont des préalables pour avancer dans ce dossier. D’autant plus que la donne est en train de changer avec l’arrivée de la Zone de libre-échange continental africain (ZLECAf). Sans oublier les initiatives d’intégration sectorielle comme l’Open Sky Africain qui, à terme, transformera radicalement le paysage africain du transport aérien de passager et de fret.
 
« Madagascar a toujours été frileux quand il s’agit d’attaquer les marchés régionaux et mettre à profit son intégration dans une communauté économique ou un marché de libres échanges. Au manque de volonté politique s’ajoutent un manque d’intérêt chez les entreprises et une faible compétitivité », 
constate un industriel qui a décidé de placer ses produits agroalimentaires en Afrique du Sud. Pour lui, les difficultés sont nombreuses pour les entreprises qui veulent tenter l’aventure mais le jeu en vaut la chandelle.

« On impose à une entreprise malgache de fabriquer de la confiture avec une forte contenance en fruits alors que les Egyptiens se contentent d’arômes. L’industrie du savon est mise à mal par des produits importés bon marché fabriqués à base d’ingrédients d’origine hors Comesa. Paradoxalement, le Vita Malagasy  tant décrié représente la bonne qualité sur ce type de marché », poursuit notre interlocuteur qui note que l’insuffisance des grandes unités de production industrielle condamne la Grande Ile à se positionner sur des produits de niche et haut de gamme.
 

La COI et les ambitions de Madagascar

 
Le 26 novembre 2021, Madagascar a pris part aux travaux de la session extraordinaire du Conseil des ministres de la COI de la Commission de l’Océan Indien (COI). Cette réunion a validé, entre autres, l’établissement d’un cadre de dialogue pour définir des actions pour la relance économique et la résilience. Sept mois plus tôt, la Grande Ile a aussi participé à la conférence tenue par visioconférence et qui a passé en revue les sujets d’intérêt commun et les projets en cours visant à renforcer la coopération, l'intégration et le développement socio-économique de la sous-région.

 



Les discussions ont porté notamment sur le commerce, la sécurité maritime, l’économie bleue, l’appui à la relance régionale, la recherche, l’éducation et la formation, ainsi que la santé et le plan de riposte régionale contre la Covid-19. La rencontre a aussi été marquée par le passage de flambeau de la présidence de l’Organisation entre l’Union des Comores et la France.
 
Madagascar a aussi saisi cette opportunité pour réitérer son appel en faveur de la promotion, de la production et la consommation des produits locaux et régionaux. « Madagascar est convaincu que la COI tiendra son pari, celui de développer des projets d’intérêt régional et engager des actions collectives dans lesquelles se reflètent nos priorités nationales en matière de développement économique, d’adaptation au changement climatique, de sécurité et de gestion durable de nos ressources », a-t-on soutenu.
 
En revanche, le communiqué du ministère des Affaires étrangères n’a pas donné des éclairages  quant au souhait de Madagascar de prendre le leadership de cette organisation sous-régionale. La Grande Ile veut notamment abriter le siège de la COI qui se situe actuellement à l’île Maurice. Un sujet mis sur la table quelques jours auparavant lors de la rencontre entre le président Andry Rajoelina et le secrétaire d’Etat français, Jean-Baptiste Lemoyne, au palais d’Iavoloha.
 
En effet, en matière de politique d’intégration régionale, Madagascar veut muscler sa capacité de leadership. Ayant présidé ces dernières années le Comesa, le pays estime avoir engrangé des expériences qui pourraient l’aider à mieux se positionner sur le plan sous-régional. Mais le challenge n’est pas gagné d’avance car les pays qui ont su faire avancer leurs pions depuis des années, à l’instar justement de Maurice, ne sont pas prêts de perdre leurs acquis.
 

Le Comesa et ses nouveaux objectifs

 
Pour rappel, le 21ème Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Comesa s’est tenu ce 23 novembre, au Caire, capitale de l’Egypte. Un rendez-vous marqué notamment par la passation de fanion entre le Président de la République Andry Rajoelina et son homologue égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, nouveau président de cette organisation régionale. Ce 21ème sommet a choisi pour thème : « Edifions notre résilience par une intégration économique numérique stratégique ». Le numéro un malagasy a justement orienté son discours dans ce sens. Il a notamment souligné les avantages de la technologie malgré un contexte sanitaire compliqué. «Grâce à la technologie, le monde n’était pas à l’arrêt. Les entreprises ont pu poursuivre leurs activités et même les gouvernants et hauts responsables des pays du monde ont pu continuer à fonctionner et à décider notamment des stratégies communes contre la pandémie » a-t-il indiqué.

 



Andry Rajoelina qui a mis l’accent sur la nécessité de construire une économie numérique régionale, et ce à travers un leadership inspiré et un engagement de tous. « Vulgarisons l’accès aux données économiques et commerciales, et fluidifions nos interactions sur nos marchés », a-t-il lancé avant de rappeler que le Comesa peut être fier d’avoir acté la mise en œuvre des plateformes de la Zone de Libre Échange Numérique (ZLEN). Une initiative qui vise à aider les commerçants, et particulièrement les petites et moyennes entreprises (PME) à surmonter les règlementations, les processus et les obstacles complexes, afin de leur permettre d’effectuer des transactions commerciales transfrontalières à l’aide des plateformes numériques.
 
Le Chef de l’État malagasy a également annoncé que la stratégie industrielle du Comesa et ses plans d'action de mise en œuvre ont été adoptés. Ils sont en cours de transposition dans les politiques de développement des pays membres. « Pour faciliter la circulation des biens et services et réduire le coût des transactions, nous avons fait de grands progrès dans le secteur du transport. Cela a notamment permis de réduire les délais de transit et d'harmoniser les réglementations relatives à la gestion des charges grâce au Programme tripartite de facilitation du transport et du transit (TTFP) » a -t-il déclaré.
 

La SADC mise sur l’industrialisation


Nombre d’observateurs considèrent que si les prétentions de Madagascar sur la COI sont légitimes, il est préférable de miser sur les blocs qui ouvrent des horizons plus ambitieux comme la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC). Actuellement présidée par le Malawi,  cette organisation a choisi de faire de l’industrialisation son cheval de bataille. « Notre région restera un dépotoir pour les produits transformés d'autres régions si elle ne s'industrialise pas », a encore déclaré le président Lazarus McCarthy Chakwera ce 23 novembre lors de la célébration de la Semaine de l'industrialisation pour promouvoir l'engagement public-privé afin de favoriser de nouvelles opportunités pour le commerce et l'investissement intra-africains.

L'industrialisation est ainsi devenue une priorité essentielle pour la transformation économique de la SADC. Les réunions tenues par l’organisation ces dernières années ont toutes souligné la nécessité pour les États membres de diversifier leurs économies en passant des matières premières et non transformées aux produits à valeur ajoutée et manufacturés. Les chaînes de valeur, qui ne représentent pour l’instant que 14% de l’économie régionale, doivent monter en puissance.




Plus réaliste, le Secrétaire Exécutif de la SADC, Elias Mpedi Magosi, a déclaré que l'industrialisation restera « un gâteau dans le ciel » sans la participation active du secteur privé. Même sentiment chez Eunice Kamwendo, directrice du bureau sous-régional de la Commission économique pour l'Afrique (CEA) pour l'Afrique australe, qui a rappelé que la part de la valeur manufacturière comparée au PIB de l'Afrique australe n'avait pas augmenté de manière significative au cours des cinq dernières années.

Les ambitions industrielles de la SADC s’arriment bien avec les objectifs des dirigeants malagasy en matière de développement du secteur manufacturier national. Force est pourtant de remarquer que si pour Madagascar, la SADC constitue à bien des égards un instrument de choix pour accélérer et approfondir son intégration régionale, d’un autre côté, la Grande Ile semble être éloignée des enjeux qui animent la communauté, n’étant pas proche géographiquement des pays qui assurent son leadership, particulièrement l’Afrique du Sud, deuxième puissance économique du continent. 
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