Depuis près de cinquante ans, la filière orge tient une place non négligeable dans l’économie rurale malgache. Structurée autour de Malto, l’unique malterie du pays et filiale du groupe Star, elle rassemble aujourd’hui des milliers de producteurs qui ont su, au fil des décennies, faire de cette culture atypique une source fiable de revenus et de stabilité.
En 2025, plus de 20 000 agriculteurs ont tiré profit de la production d’orge, dont le malt constitue un ingrédient indispensable à l’industrie brassicole nationale. La campagne agricole qui s’achève restera dans les annales. Dans les régions de Vakinankaratra, Amoron’i Mania et Haute Matsiatra, la filière a enregistré une collecte inédite de 11 300 tonnes, un niveau jamais atteint depuis sa création. Selon Malto, cette performance remarquable repose sur un modèle agricole parfaitement maîtrisé : une culture de contre-saison à cycle court, un système d’intrants préfinancés, des prix stables et garantis à l’achat, ainsi qu’un accompagnement technique continu. À cela s’ajoutent des formations régulières et même une assurance contre les pertes de production, un dispositif encore rare dans les filières agricoles locales.
Cette organisation huilée a des effets concrets sur la vie des ménages ruraux. Razanamparany, producteur d’Ambatofinandrahana engagé dans l’orge depuis trente ans, témoigne des avancées que cette culture lui a permises : traverser les périodes difficiles, investir dans son habitation, acquérir du bétail. Comme lui, de nombreux agriculteurs ont bâti leur résilience économique grâce à cette activité devenue indispensable au dynamisme de plusieurs régions. Cependant, derrière ces résultats éloquents se cache une fragilité croissante. En cinq ans, les droits d’accise appliqués aux bières ont augmenté de 293 %, une hausse spectaculaire qui résonne dans toute la chaîne de valeur. L’alourdissement de la fiscalité se répercute immédiatement sur les prix à la consommation, dans un contexte où le pouvoir d’achat des ménages demeure extrêmement limité.
La conséquence est directe : la demande se contracte, les volumes de vente diminuent et les brasseries ralentissent leur production. Cet effet domino touche inévitablement les producteurs d’orge, dont les revenus dépendent entièrement de la transformation industrielle du malt. À mesure que la consommation baisse, les risques économiques s’accentuent : baisse des achats d’orge, incertitude sur les volumes à produire, détérioration des perspectives d’investissement. Et au-delà des producteurs eux-mêmes, ce sont des milliers d’emplois — dans les champs, le transport, les zones de stockage, la transformation ou la distribution — qui se retrouvent exposés à une vulnérabilité accrue.
Ainsi, la société Malto soutient que la filière orge se trouve aujourd’hui dans une situation paradoxale. Jamais elle n’a été aussi performante sur le plan agricole, mais jamais son avenir n’a semblé aussi incertain. L’année 2025 restera celle d’un record historique, mais aussi celle où la pression fiscale a commencé à fragiliser un modèle jusque-là considéré comme stable et durable. L’équilibre entre développement rural et politiques fiscales apparaît désormais plus que jamais déterminant pour préserver cette chaîne de valeur stratégique.
Rappelons enfin que Malto est une entreprise créée en 1976. Pour la filière orge, les paysans sont accompagnés par la société depuis le pré-financement des intrants et bénéficient d’une garantie quant au prix d’achat des récoltes, d’une valorisation des sous-produits, d’une assurance en cas de sinistre ainsi que de l’achat de la totalité de la production. Les paysans partenaires de la société jouissent également de formation et suivi technique tout au long de l’année de partenariat. "Cette culture de l’orge étant une culture de contre- saison du riz, elle constitue une source de revenus supplémentaires pour la majorité des paysans qui peuvent cultiver en alternance", a fait aussi savoir l'entreprise.



